Sénégal, qu’est ce qu’ils sont entrain de faire de toi ?
L’exception sénégalaise que nous avons chantée sur tous les toits est entrain de souffrir de ce que l’on peut appeler les bizarreries ou les paradoxes sénégalais. Notre pays qui a vu naître d’illustres personnalités dans tous les secteurs et à qui la nature a généreusement gâtée est entrain de se distinguer de façon assez curieuse.
En effet, de plus en plus, on assiste à une course effrénée vers le gain facile, rapide et massif de l’argent. Cette situation est entrain de plomber les ailes du développement de notre beau pays. Certains disent, en riant, c'est-à-dire en ne réalisant pas la gravité de la situation que la course naguère orientée vers la licence, la maitrise et le doctorat a laissé la place à celle beaucoup plus folle vers la lutte, la musique et la danse. C’est le fameux système LMD.
Dans ce pays l’excellence est entrain de sombrer. Le niveau des élèves, pépinières de la classe dirigeante de demain, baisse de jour en jour et d’année en année. Apparemment rien n’est prévu pour donner à cette génération naissante ce dont ils ont besoin pour devenir des citoyens modèles qui pousseront le développement du pays un peu plus loin. Dans la conscience collective des jeunes, il n’est pas normal de traverser une année sans faire une tumultueuse grève.
Un vieux nous disait avec beaucoup de regret qu’avant, il y’avait très peu d’instruction mais beaucoup d’éducation alors que de nos jours, il y’a beaucoup d’instruction mais très peu d’éducation. « Le rêve d’une ascension sociale fulgurante pousse les parents à donner à leur enfants plus d’instruction que d’éducation » s’écriait Mariama Ba dans une si longue lettre, dans les 80 déjà. Ce qui se passe dans nos villages aujourd’hui se passe de commentaire. Les grossesses précoces sont arrivés à un niveau tout à fait traumatisant. Et le plus dramatique dans tout ça, c’est que les parents, les éducateurs, l’Etat, les religieux, bref, tout le monde a déposé les armes et se contente de condamner juste au fond de sa conscience tout en se culpabilisant dans le silence.
Le psychologue Serigne Mor Mbaye disait qu’il fallait faire un Ndepp collectif. Ce qui veut dire que c’est tout la société qui semble être détraquée. Les repères et autres références ont fondu comme du beurre au soleil. Et il ne semble plus avoir de limite ni de contrôle. Dans les télévisions, toute sorte de danse et de chant est exposée tous les jours pour être repris le lendemain par les touts petits sous la rigolade des parents.
Des reporters/animateurs qui se sont autoproclamés communicateurs traditionnels qui devaient être les sentinelles des traditions positives au lieu de faire un tri et d’attirer l’attention sur tout ce qui ne cadre pas avec notre culture, font l’apologie des contre valeurs. Ils exposent ainsi tout ce que la lutte a de répugnant. Des images insupportables de gamins et d’adultes qui s’effondrent devant les cameras à la fin des combats de lutte à l’issu desquels il y’a presque toujours un vainqueur et un vaincu.
Les musiciens ne font aucune recherche et sont emprisonnés dans les seuls thèmes de Mbeggel et de louange de leurs bienfaiteurs et/ou marabouts. Ils rivalisent d’ingéniosité dans la recherche et l’utilisation d’expressions perverses : ma yer li nga yor, yekkatil ma xool sa pointure etc etc. La dépravation des mœurs a atteint son summum. On est presque arrivé à un point de non retour.
Le grand théâtre est devenu la ruée la plus prisée. Chaque musicien, chaque année y organise son anniversaire ou celui de son groupe sous une pluie de billets de banques. Ce qui ne se voit dans aucun pays au monde. Là aussi tout le monde se tait et laisse faire. On a même vu un arbre artificiel fabriqué avec des billets de banques. A chaque anniversaire, l’édifice est prêt à craquer.
Le sénégalais est devenu comme cette feuille morte qui vole aux grés du vent. Tout nous fait vibrer. De Vaidei, cette actrice indienne d’une série télévisée à Cheikhou Cherifou, « l’enfant miraculé » venu de Zanzibar en passant par la lutte, Salam Diallo etc. Avant-hier, une foule en liesse a chassé Wade en brûlant tout ce qui touchait à lui. Hier, cette même foule lui a déroulé le tapis bleu. Qui sommes - nous finalement ?
Le Sénégal est le seul pays où l’on compte plus de 200 partis politiques et plus de 2000 listes aux élections locales. Au lieu d’aller travailler, tout le monde se rue sur la politique pour accéder aux ressources publiques qu’on pille sans scrupule ni crainte. On parle tout haut de l’intérêt général et on réfléchit tout bas sur les stratégies à adopter pour ses intérêts particuliers.
Dans la rue c’est l’indiscipline qui règne à tout coin de rue où l’on jette tout ce qui nous tombe dans la main. Il en est de même dans les routes et artères du pays où on assiste à un véritable carnage à travers de vilains et irresponsables traumatisants accidents. Dans plusieurs routes, on doute fortement si le pays a un service routier car les nids d’éléphants sont devenus la règle au lieu d’en être l’exception.
Dans tout le pays, pieds nus, le pot de tomate sous les aisselles, le regard angoissé parfois hagard, les haillons sales, de petites créatures humaines, loin de leurs parents et privés de tout œil indulgent, du matin au soir, squattent les marchés, les gares routières, les carrefours, les mosquées, les stations d’essence et partout où ils espèrent trouver cette petite pièce de monnaie qui va nourrir le marabout et sa famille. Ce sont ces enfants qui nourrissent les adultes.
Des sociétés de publicité poussent comme des champignons et avec la complicité des télévisions commerciales exposent des produits de consommation parfois dangereux pour la santé. Il y’a plusieurs bouillons, plusieurs boissons, plusieurs marques de thé, plusieurs produits que consomment les enfants. Tout indique que ceux qui vendent ces produits ne sont intéressés que par l’argent.
Des jeunes se lancent dans des embarcations de fortunes qui ne sont que des cercueils jetés dans l’immense vide bleu uniquement pour fuir la souffrance et le travail. Ils ne sont pas éduqués pour pouvoir se surpasser et vivre mieux. Ils sont éblouis par l’illusoire gain facile de l’argent en Europe. On ne leur a jamais dit la vérité sur cette affaire. Ils préfèrent barça ou barçàq. Bàmmeel bu sori walla alal ju bari.
Par ailleurs, depuis les temps immémoriaux, de mémoire de sénégalais, on n’a jamais entendu un ministre ou un grand responsable qui, après avoir géré les deniers publics, a été audité et félicité. On reproche à tous d’avoir volé de l’argent car, ils doivent pouvoir gérer
Les ONG qui prétendent développer les communautés ne sont que les développeurs de leurs propre business. Chaque jour que Dieu fait, de faramineux financements tombent au nom des communautés nécessiteuses, chaque jour Dieu fait ces communautés deviennent de plus en plus pauvres. « Les bailleurs de fonds sont financièrement excisés » disait mon ami Thiérno Seydou Sall, le poète errant.
Dans les universités, les étudiants s’adonnent toujours à la destruction des biens publics et attendent chacun une bourse, même si on ne le mérite pas. De tous les temps et partout les bourses ont toujours obéi à un certains nombre de critères. Pourquoi pas au Sénégal ? Ceux qui décrochent des diplômes refusent de retourner la terre.
Plusieurs personnes s’autoproclament journalistes. Ils passent du micro d’animation au journal. Ainsi, ils ne sont pas formés et ne distinguent pas ce qui est culturellement adopté ou pas. A tout moment, ils peuvent bruler le pays. Dans le Net, plusieurs personnes ne peuvent donner leur opinion qu’à travers l’injure.
Le comme le football ne peut être une oasis dans le désert, le Sénégal n’a jamais rien gagné. Pourtant, les plus grands théoriciens sont là. Ils commentent même les matchs de la coupe du monde, expliquent les erreurs et les sucées, donnent des conseils qui ne seront jamais entendus. Pourquoi ne peuvent ils pas faire bénéficier à leur pays qui en tant besoin toute cette expertise ?
Pardon Sénégal, on ne pas tout dire sur ce qu’ils sont entrain de faire de toi.
Falilou Cissé, conseiller en Développement communautaire Tel 77 689 79 44
Mamadou Ndiaye consultant Tel 77 545 83 99